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Mission vers l’Ukraine

MISSION HUMANITAIRE EN UKRAINE DU 9 AU 13 MAI 2022

« Le 10 mai », c’est avec une certaine émotion que je prends la plume ce matin. Il est 6h30 et par la fenêtre ouverte j’entends les oiseaux chanter. Mes compagnons, Pierre, Didier, Lucien et Patrick finissent de se préparer, une longue route nous attend.
Hier, c’était le grand départ et pas le temps d’écrire. Il y a eu le chargement au Pradet puis à Toulon où une sympathique équipe nous a prêté main forte. Merci à Catherine, à sa famille et à son groupe.


Et puis la route sans problème, si ce n’est les travaux incessants sur l’autoroute jusqu’à Gênes. Nous avons produit nos laisser passer et la gratuité nous a été accordée mais avec parfois une certaine attente. A Padoue, le Père Gaétano nous attendait avec un beau sourire et une grande gentillesse. Il nous explique que depuis 15 jours, la congrégation accueille des ukrainiens dont certains sont malades. La proximité de l’hôpital leur est d’un grand secours. Nous avons rencontré un jeune couple avec un bébé mais il nous était impossible d’échanger autre chose que des petits signes d’amitié, problème de langue. Une équipe de bénévoles nous avait préparé un dîner. L’ambiance était chaleureuse et la discussion animée.
« Le 11 mai », départ matinal vers la Slovénie avec une circulation dense, beaucoup de camions mais le club des 5 était en bonne forme après une bonne nuit réparatrice. Le moral et l’enthousiasme sont toujours là. Nous traversons ce pays sous un beau soleil éclairant un paysage bucolique et souriant. Cela nous fait penser au charme de la Suisse. Les routes sont bonnes et nous nous arrêtons un peu avant la frontière hongroise pour déjeuner.
En repartant, surprise. Nous nous faisons arrêter par la police pour un contrôle de tous nos papiers et le pesage du véhicule. Une surcharge très importante nous est alors annoncée avec à la clef une amende de 1000 euros. Tout le monde garde son calme et sa courtoisie et après un certain temps de tractations, d’exposés et d’arguments – que l’on était un convoi humanitaire pour l’Ukraine – que nous étions de vieux volontaires – que nous n’étions pas payés. A cet instant l’argument a fait mouche (bravo Didier). Finalement, nous nous sommes délesté de 60 euros. Pendant ce temps là, Pierre et Patrick nous attendaient quelques kilomètres plus loin. Finalement, pas trop mécontents de nous, nous reprenons l’asphalte.
Traversée de la frontière hongroise. Là, pour le coup sans aucun contrôle, nous retrouvons la pêche et malgré la promesse faite aux policiers de rouler doucement, nous appuyons pas mal sur le champignon. Il faut dire qu’il nous reste un paquet de kilomètres et que la surcharge annoncée nous paraissait un peu surévaluée. Le paysage change, plus plat et nous profitons du patchwork des couleurs des champs. Le jaune domine avec le colza. Le lac Balaton apparaît au loin, étalé comme une immense mer intérieure. Nous n’avons plus qu’un objectif. Nous approcher le plus près possible de la frontière avec l’Ukraine car nous avons pris rendez-vous avec Slavik à 10 heures le lendemain. A une centaine de kilomètres de là nous décidons de nous arrêter et passons la nuit dans une petite pension.
« Le 12 mai », nous partons très contents de voir bientôt notre mission aboutir, mais les choses ne se passent pas toujours comme l’on veut.
Tout d’abord, nous arrivons au poste frontière de Bereysuràny pendant que l’autre équipage était à Tsizabecs, résultat d’une erreur de programmation de notre GPS. Nous comprenons très vite que les choses ne vont pas se passer très bien pour nous. La carte grise du véhicule loué n’est pas l’original mais une photocopie et nous sommes refoulés. Pendant ce temps, Pierre et Patrick étaient à 49 km de nous, avec notre contact ukrainien Slavik. Nous les rejoignons et là aussi nous sommes tous refoulés pour la même raison. Sur les conseils de Slavik, nous décidons de retourner à Bereysuràny mais cette fois avec lui ; et là une galère de quatre heures nous attend. Je vous passe les détails. Heureusement, le sourire et la gentillesse de notre ami nous réconforte et nous entamons notre périple en Ukraine.


Comment décrire l’état des routes : bas côté ravagé, nids de poules de tailles diverses et variées. On a l’impression par endroit qu’il y a eu un tremblement de terre. Après l’aspect plutôt coquet des maisons hongroises, la pauvreté et la tristesse de l’habitat ukrainien nous frappent. Les églises et les jardins animent de taches colorées le paysage. Slavik nous emmène dans un restaurant chic pour déjeuner. Nous sommes saisis par le contraste des scènes vues ce matin à la frontière où nous avons vu défiler dans les deux sens, à pied, des femmes et des enfants, entrer et sortir de leur pays. Ici, les riches ukrainiens sont autour de la piscine, comme en vacances.
Je me demande bien ce qui se passe dans la tête de Slavik qui s’active sans relâche depuis le début de la guerre pour venir en aide à ses compatriotes les plus exposés et les plus démunis. Il nous explique que le 14 mai, il va louer une camionnette pour acheminer jusqu’au Donbass tout ce que nous venons de lui apporter. C’est vraiment surréaliste. Nous partons en direction du village où sa mère tient une sorte de centre culturel. Elle nus y attend ainsi qu’une douzaine de jeunes et le déchargement commence. L’affaire est rondement menée.                                         

La rencontre avec sa maman m’a beaucoup touchée. Nous parlions avec les yeux et les gestes et nous nous comprenions. Nous nous sommes étreints plusieurs fois. Elle nous offre sa première récolte de fraises de l’année. Le moment de nous séparer approche et une immense émotion me submerge. Je pense à Slavik qui dans deux jours va risquer sa vie. Il a dix enfants dont un fils militaire qui combat dans le Donbass. Il a perdu une vingtaine de kilos depuis le début de la guerre (à cause du stress). Je revois en film tous les visages des femmes venues à la frontière et je n’ose imaginer le futur de tous ces gens venus nous aider. Comment un seul homme peut-il bouleverser autant de destinées et engendrer autant de malheur et d’horreur ?


Je pense que tous mes compagnons partagent ces moments forts avec la même émotion et ce même sentiment d’injustice et de révolte. Toutes ces personnes n’ont rien fait de mal. Elles ne demandent qu’à vivre en paix !!! Nous sommes un peu soulagé d’avoir réussi à aller jusqu’à eux et peut-être aussi d’avoir leur témoigner notre soutien aussi modeste soit-il.
Retour à la frontière où là encore il faut s’armer de patience. Sans Slavik, nous ne serions jamais rentrés en Ukraine mais heureusement, sans lui nous avons réussi à en sortir, même si cela n’a pas été facile.


Il est 22 heures quand nous trouvons un hôtel grâce à Pierre. L’important était de dormir car demain une longue route nous attend jusqu’à Padoue.
« Le 13 mai », départ dans la bonne humeur. J’en profite pour vous parler de notre petit groupe. Pour la plupart, nous ne nous connaissions pas, juste une réunion ou deux et la confection des cartons ensembles, c’est tout. Mais l’osmose s’est faite très vite et l’esprit de camaraderie et d’entraide se sont installés comme une évidence. Les blagues potaches, les plaisanteries, les rigolades, de vrais adulescents en quelque sorte, nous retrouvions un peu de notre jeunesse !!!
Juste une petite galère à l’arrivée, notre GPS nous a de nouveau joué des tours et nous avons un peu tourné en rond avant de retrouver le Père Gaétano pour l’équipage Didier, Lucien et moi. Encore un bon dîner préparé par les bénévoles que nous avons apprécié.
« Le 14 mai », après une nuit « normale » pour moi et « spéciale » pour mes compagnons, je n’en dirais pas plus, nous prenons le petit déjeuner avec le Père Gaétano et tous ses collègues de la communauté. Ils ont tous exercé leur sacerdoce en Afrique et parlent français pour la plupart. Nous devisons et philosophons avec eux. Ils nous apportent un éclairage très intéressant et une analyse de la situation actuelle pertinente. Et puis à nouveau l’heure de la séparation approche. Notre mission humanitaire arrive à son terme.

BRAVO à toutes les personnes qui se sont impliquées dans ce projet humanitaire, en particulier :
Le Président de l’Association Nationale de Marins et Anciens Marins, François RAIMOND. Sans sa volonté d’aboutir, la réalisation de cette opération d’aide humanitaire, rien n’aurait pu se faire. Grâce à lui, un très gros travail en amont a été effectué sur le plan administratif et diplomatique, par la collecte de médicaments, de nourriture, de vêtements et de dons de toutes natures.
Un grand MERCI à lui.
Merci à Pascal MAGUERES pour ses précieux conseils et son expérience d’un convoi précédent qui nous ont bien servi ainsi que son carnet d’adresses.
Merci à tous les bénévoles anonymes qui ont œuvré dans l’ombre pour la préparation, le tri et l’emballage dans les cartons.
Je termine par mes compagnons de route.
Merci à Pierre qui devrait écrire un manuel sur la psychologie des douanier et un autre sur l’optimisation des outils informatiques et autres, pour ses compétences et son agilité à nous trouver un hébergement de dernière minute.
Merci à Lucien et Didier pour leur humour, leur gentillesse, leur patience à m’écouter. Leur disponibilité et leur diplomatie avec la police.
Merci à Patrick qui m’a embarqué dans cette belle aventure et m’a permis de participer à cette belle chaîne de solidarité.

Au moment où je rédige ces mots, Slavik est en route pour le Donbass avec tout notre chargement. Nous pensons tous très fort à lui et tous les ukrainiens qui se battent pour leur liberté. Nous formulons tous des vœux pour qu’il réussisse sa mission sain et sauf.
Martine